Le programme d’entraînement proposait, en cette mi-avril, une sortie longue de 5h, mais c’est bien Laurent (l’Incontournable, Sté-Lyon) qui fût l’initiateur de cette magnifique balade autour de la croix du
Nivolet.
Je savais que les sommets demeuraient difficilement accessibles avec la neige, rencontrée très tôt lors de ma sortie de la
semaine, encore bien présente sur les hauteurs (1,5m à 1400m). Laurent voulait reconnaître le Malpassant (course inscrite à son programme 2013) et m’a donc proposé de l’accompagner. J’ai sauté
sur l’occasion pour retrouver ce massif que j’aime particulièrement et ce, malgré les différentes blessures que j’y ai connu (inflammation du tendon en 2011 ou une grosse entorse en 2012) et un
parcours fortement apprécié l’an dernier avec Régis. JB, pour la première fois, s'est joint à la fête …
Un focus rapide sur cet amoureux de la nature, aux faux airs de Sylvain BAZIN avec qui, alors que nous sommes quasi voisins (il
habite entre Patou et moi), nous n’avions jamais eu l’occasion de partager, ne serait-ce qu’un footing. C’est pourtant flagrant, ce mec est un traileur, ça se voit au premier coup d’œil. Et si le
doute persiste, il suffit de baisser les yeux sur ses chaussures… Erwan lui avait fait remarquer il y a 3 ans déjà : « tu as les mêmes chaussures que mon papa ». Etait-ce à cause
de la timidité, de mon appréhension d’aborder un finisher de l’UTMB (les XT WINGS étaient accompagnées de la veste du célèbre tour du mont Blanc), ou un savant mélange des deux que l’on pourrait
appeler l’humilité ? Il n’empêche que l’échéance d’une sortie commune s’est retrouvée sans cesse repoussée sans qu’on ne puisse, au final, l’éviter, c’était écrit. C’est lui qui a osé
prendre contact même si, via Isa - sa compagne - nous nous étions déjà quelque peu rapprochés. Lors de nos échanges, j’avais bien saisi un état d’esprit proche du mien : la performance qui
ne se mesure qu’à notre baromètre personnel borné par nos limites que l’on ne peut s’empêcher de repousser… Le classement, on y jette un œil distrait
une fois le maillot finisher enfilé, pour constater que les premiers, comme les derniers, sont bien loin de nos chronos. Bref l’état d’esprit partagé par la majorité des
ultra-trailers.
Nous voilà donc partis pour Voglans, entre Chat et Nivolet, pour une belle et longue sortie de montagne. Le soleil, nous avait
donné rendez-vous et c’est bien là une bonne nouvelle de voir qu’il ne nous ait pas fait faux bond.
A 8h45, on quitte le confort de nos véhicules pour que seules la force et notre volonté nous mènent en haut des cimes. 30
minutes d’échauffement, où mes souvenirs du parcours de 2012 semblent intacts, nous permettent de bavarder et faire un peu plus connaissance avec JB. Peu de vannes. On est dans l’état d’esprit
sportif et je conserve une pointe d’appréhension car la veille, la crainte d’une périostite est arrivée comme un cheveu sur la soupe. Douleur psychologique ? Appréhension de se mesurer à un
Ultra-Traileur au palmarès qui me laisse rêveur (UTMB ou GRP pour ne citer qu’eux) ? Il n’empêche que la forme n’était pas au rendez-vous la veille, mais au pied de la difficulté majeure du
jour l’inquiétude semble gommée.
Vers 9h15, nous attaquons la montée du Malpassant (800m de D+). Les appuis sont difficiles, genèse de la critique des S-LAB,
d’un Laurent, finalement, aussi sérieux que taquin. Le rythme est bon et nous croisons de très sympathiques bucherons alors que le terrain se montre propice au petit trot. Je mène le train (tout
le monde sait que j’aime être devant) quand les premiers lacets des pentes les plus raides de l’ascension se présentent à nous. Je sens que j’ai de la force et n’hésite pas à me
« tester » - et par la même occasion mes deux compagnons – en relançant le plus souvent possible. La montée se fait groupé et, à proximité du sommet, les attardés d’un groupe de
traileurs nous sert de point de mire.
La fin de l’ascension, à flanc de falaise, où les cordes sont les bienvenues pour ne pas basculer dans la combe, présente de
gros pourcentages et je sens qu’il est temps que l’on en finisse. Au sommet, tout le monde semble avoir sa dose, mais nous repartons, sans trop tarder, sur le chemin de crête en direction du
Revard. Le terrain est casse pattes mais les kilomètres défilent dans un décor somptueux. J’adore cet endroit qui, malgré la proximité de la civilisation (autoroute, aéroport) a su conserver un
côté sauvage et pittoresque. Le rythme soutenu (7 km/h de moyenne) nous permet de profiter quand-même de ce sentier cassant, récemment abandonné par son manteau d’hiver, qui flirte avec les 1000m
d’altitude.
Après une légère erreur de parcours, nous entamons la descente que Laurent décide de mener. Très vite il prend une certaine
avance qui nous laisse, JB et moi, sur place. Son trop plein d’humilité ne le confirmera pas mais je sens bien, tout comme JB, qu’il est en très bonne forme en cette sortie d’hiver, et cela
laisse présager une jolie saison.
La fin du parcours, que nous aurons un peu de mal à trouver, malgré la carte et le GPS cartographique, sera aussi délicieux
qu’exigeant. Tout en single, dans la forêt, une succession de montées et descentes qui cassent les fibres et nous imposent de rester « en prise » la majeure partie du
temps.
Sur les hauteurs de Merry, alors que
l’heure du déjeuner approche, Laurent nous laisse, comme prévu, continuer la balade. Il ne voulait faire que la reco de la course ne souhaitant pas se cramer sur plus long. JB lui, souhaite
prolonger, et nous attaquons, pour la seconde fois, l’ascension du Malpassant. Les premiers hectomètres d’ascension me rappellent que je manque de fond en ce début de saison et j’éprouve quelques
difficultés à me mettre dans le rythme. JB semble bien et notre conversation, dont l’objet ne m’a laissé aucun souvenir, m’aide à oublier la difficulté, fixant ma concentration ailleurs que sur
la pente et l’altimètre décidément bien bas (300m).
Paradoxalement, c’est quand la pente s’est faite plus raide, que j’ai senti le second souffle me rattraper. Les jambes
retrouvèrent alors une tonicité et une fraîcheur salvatrice pour avaler la pente. JB préfère monter à sa main, je ne me fais pas de souci pour lui, il se connaît suffisamment. Pour ma part, je me
sens plus à l’aise que dans la première ascension. Les lacets se succèdent, j’ose un petit trot quand la pente s’adoucit, et c’est seulement le sommet approchant que je commence à sentir les
premières tensions musculaires.
Au Malpassant, je rencontre un randonneur parapentiste très sympathique qui m’aide à patienter en attendant l’arrivée de JB.
Parvenu au sommet, je vois qu’il n’est pas trop marqué et lui propose de continuer un peu sur les pentes du col de Sire.
Nous reprenons sur un rythme plus doux - je n’ai plus de souvenirs de la difficulté de l’ascension – mais plus on avance, plus
la pente se fait raide et technique. La neige commence à faire son apparition et je commence à douter de la possibilité de rallier le sommet. A 1200m, JB est rattrapé par les crampes et préfère
ne pas insister. La fin de l’ascension sera compliquée. La neige, irrégulière, rend la progression difficile voire impossible sur le haut. Mais bon, je ne peux m’arrêter si près du but et c’est
bien entamé que j’atteins enfin la station de ski. Ravitaillement, échange avec des motards hésitant sur la direction à prendre et je me lance dans la descente. Je ne veux pas que JB m’attende
trop.
La fatigue et la technicité du terrain enneigé rendent la progression difficile et, à plusieurs reprises, les fesses frappent le
sol en même temps que les pieds. Je sens que je suis de moins en moins lucide et privilégie une descente prudente. Je retrouve JB au sommet du Malpassant, qui a refait le plein, sous un franc
soleil printanier. Il prend en main la descente. Je suis sa trajectoire, je n’ai pas de questions à me poser, son rythme me convient parfaitement et on sent l’expérience dans la technique et la
précaution dans les appuis de ce single parfois piégeur.
De retour dans la vallée, nous regagnons Voglans en petite foulée. Nos échanges ne font que confirmer un grand nombre de point
communs sur la nature, la montagne ou notre sport. La fatigue nous pèse quand un raidillon se dresse face à nous ou dans l’ultime descente en bitume qui nous tiraille les cuisses. Mais,
décidément, rien ne pourra ôter notre joie et notre plaisir de cette jolie balade qui se termine.
Au final, 5h35 pour 35 km et 2300m D+. Les sensations étaient vraiment bonnes et je suis très heureux d’avoir partagé cette
jolie balade avec mes deux compagnons du jour.